Après plusieurs années d'exil entre l'Europe et les Etats-Unis, l'écrivaine bangladaise Taslima Nasreen va enfin pouvoir poser ses bagages. Menacée de mort par des extrémistes musulmans, elle va être logée début février par la Mairie de la Paris, a-t-on appris samedi 3 janvier auprès du cabinet du maire (PS) Bertrand Delanoë. La romancière a fait appel à la mairie pour trouver un logement il y a un mois et demi, a indiqué la même source, confirmant des informations du Figaro.
Le cabinet du maire a alors cherché la solution "la plus efficace et la plus conforme" à ses propres procédures. Cette solution consiste en un grand studio dans une résidence d'artistes du 10e arrondissement de la capitale. Comme l'écrivaine n'a pas actuellement de ressources propres, la mairie prendra en charge les premiers loyers, a précisé le cabinet du maire.
CONTRAINTE À L'EXIL
Avocate de la laïcité, militante féministe, Taslima Nasreen avait été faite citoyenne d'honneur de la ville le 7 juillet 2008. Bertrand Delanoë avait lancé à cette "combattante de la liberté", présente dans la tribune du Conseil de Paris : "Vous êtes ici chez vous, dans la ville où il fut proclamé que les hommes naissent et demeurent libres et égaux, et que nul ne peut être condamné pour ses opinions."
Mme Nasreen a été contrainte de fuir son pays natal, le Bangladesh, en 1994 après avoir été accusée de blasphème par des islamistes à la suite de la publication de son roman Lajja (La Honte), dans lequel elle décrit la vie d'une famille hindoue persécutée par les musulmans au Bangladesh, où ils sont majoritaires. En 2004, elle s'installe en Inde qu'elle est de nouveau contrainte de quitter sous le coup de nouvelles menaces au printemps 2008. Agée de 45 ans, cette gynécologue de formation a vécu ces derniers mois entre Stockholm, Berlin et les Etats-Unis.
BIOGRAPHIE
Issue d'une famille aisée et cultivée, elle a fait des études de médecine spécialisées en gynécologie et a exercé dans un hôpital public dès 1986.
Menacée par des fondamentalistes islamiques à la suite de la publication de son premier roman Lajja (La honte), dénonçant l'oppression courante sur la communauté hindoue au Bangladesh, elle a été obligée de quitter son pays en août 1994 et de s'installer en Suède. En juin 1995, elle choisit d'habiter à Berlin. Depuis elle habite à Stockholm, New York (où sa sœur réside), et surtout Kolkata, la capitale de l'État indien du Bengale occidental, où elle tente d'obtenir la nationalité indienne, qui lui est refusée.
En mars 2007, sa tête a été mise à prix par un groupe islamiste indien. La prime pour sa décapitation est de 500 000 roupies (environ 9 000 €).
Fin novembre 2007, elle est forcée de fuir Kolkata, à la suite de violentes manifestations contre sa présence. Dans les jours suivants, elle est exfiltrée de ville en ville sous la pression de groupes islamistes qui veulent la voir expulser du pays ou assassiner pour avoir tenu des propos blasphématoires contre l'islam. Le 28 novembre, le ministre des Affaires étrangères indien, Prenab Mukherjee promet que son pays protègera l'écrivaine. Les services secrets indiens la sortent alors de New Delhi pour l'amener dans un lieu tenu secret.
Elle estime à présent que l'exercice de la médecine lui sera définitivement impossible.
Mi-février 2008, elle obtient la prolongation de son visa indien pour six mois, jurant que l'Inde était devenu sa seconde patrie et refusant de venir à Paris pour recevoir le prix Simone-de-Beauvoir qui venait de lui être décerné.
Le 19 mars 2008, elle est obligée de se réfugier définitivement en Europe où elle avait déjà été contrainte en 1994 de trouver refuge après avoir été accusée de blasphème par des musulmans radicaux en Inde. La veille, elle avait affirmé que « le gouvernement indien ne vaut pas mieux que les fondamentalistes religieux ». Elle accuse le gouvernement indien d'avoir tenté de la faire tuer par empoisonnement en lui fournissant des médicaments qui ne lui convenaient pas pour son hypertension après l'avoir fait retirer de l'hôpital où elle était soignée.
Le 21 mai 2008, elle reçoit le Prix Simone de Beauvoir des mains de Rama Yade, Secrétaire d'État aux Droits de l'Homme, après avoir rencontré la Présidente du Mouvement Ni Putes Ni Soumises, Sihem Habchi. Elle est faite citoyenne d'honneur de Paris le 7 juillet 2008.
Alors qu'elle doit faire face à des difficultés financières, la ville de Paris met à sa disposition un logement dans une résidence d'artistes de la capitale qu'elle pourra occuper à partir du mois de février 2009.
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