Qu'est-ce qu'une salle de shoot ? Un moyen de réduire les risques inhérents à la toxicomanie pour les usagers et les riverains.
Rien n'évitera malheureusement les conduites addictives à court terme. En revanche, il est tout à fait possible d'éviter au toxicomane de contracter des maladies gravissimes par manque d'hygiène et aux riverains de découvrir des seringues disséminées n'importe où.
Un peu d'humanité pour accompagner les toxicomanes préservera la tranquillité publique...
Rémi Féraud
Maire du 10e arrondissement
« En février dernier, le gouvernement a donné son aval à l’installation à Paris d’une salle de consommation à moindre risque pour les usagers de drogues. Le temps est donc venu de mettre en place ce dispositif, que j’appelle de mes voeux depuis plusieurs années, en accord avec Bertrand Delanoë, et qui a fait ses preuves en Suisse, en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas et dans d’autres pays.
Le quartier de la gare du Nord, où de nombreux toxicomanes en situation de grande précarité consomment de la drogue dans l’espace public, a été choisi pour accueillir cette expérimentation. Les bénéfices escomptés sont multiples : pour les usagers de drogues, une réduction de risques tels que les infections au VIH et à l’hépatite C ou les overdoses, un suivi sanitaire et social pouvant conduire à un sevrage et une réinsertion sociale. Pour les riverains, et cela a été noté partout où ces salles existent, davantage de tranquillité et moins de nuisances dans l’espace public. C’est pour moi un objectif essentiel.
Le 27 mars, le projet a été présenté lors d’une réunion publique de concertation. Les attentes et les inquiétudes des riverains ont été entendues et je souhaite réitérer ici les assurances que je leur ai données : il s’agit d’un projet expérimental, qui sera évalué avec le plus grand sérieux, afin d’en déterminer précisément les effets. Et les habitants seront directement associés à l’évaluation. Toutes les mesures seront prises pour assurer la tranquillité du quartier, notamment grâce à des renforts policiers. Contrairement à certaines craintes exprimées, il ne s’agit pas d’attirer dans le quartier davantage de toxicomanes, et encore moins de laisser le champ libre aux dealers.
Nous sommes actuellement à la recherche d’un lieu situé sur une emprise appartenant à la SNCF. Il devra être suffisamment proche des lieux où se rassemblent aujourd’hui les toxicomanes, tout en étant assez éloigné des habitations afin d’éviter toutes nuisances potentielles pour les riverains.
Dès qu’un emplacement aura été identifié, une nouvelle réunion publique de concertation sera organisée, au cours de laquelle le projet définitif sera présenté. »
Après plusieurs mois d'études, un accord a été trouvé entre la Mairie de Paris et la SNCF sur le lieu d'implantation de la salle de shoot, pour lequel plusieurs sites étaient à l'étude autour de la gare du Nord. Une convention d'occupation d'une durée de trois ans pour cette salle de consommation de drogues à moindre risque doit être signée dans les prochains jours entre l'entreprise publique et la Ville. Il s'agit d'une emprise située au niveau du 39, boulevard de la Chapelle (Xe), en aplomb du pont qui traverse les voies ferrées. Pour y accéder, un passage, pour le moment réservé à la SNCF, descend du côté est du pont - près du métro La Chapelle - vers le sud. Un Algeco existe déjà à cet endroit.
Ce lieu a finalement été préféré à deux autres, également proposés par la SNCF, notamment en raison de son éloignement relatif avec les habitations et la voie publique. Un élément important: à plusieurs reprises, notamment lors de réunions publiques, les riverains ont manifesté leur hostilité à ce projet. Lors d'une votation populaire qui s'était tenue mi-avril en face de la gare du Nord, 93 % des 300 votants s'étaient prononcés contre cette installation. Au-delà de l'opportunité, en termes de santé publique, d'une telle structure, un projet porté par l'association Gaïa Paris, les habitants du Xe, déjà excédés par les nuisances causées par ce quartier souvent qualifié de «supermarché de la drogue à ciel ouvert», voient d'un très mauvais œil l'arrivée de ce dispositif dans le quartier. C'est autour de la gare du Nord que se concentrent consommateurs et distributeurs de seringues: à Paris, quelque 300.000 seringues ont été distribuées en 2012, dont la moitié par les distributeurs de la gare du Nord. Quant aux seringues abandonnées sur le bitume parisien ou dans les Sanisette (soit 92.000 en 2011), la moitié concentrée dans ce même quartier.
L'ouverture de cette salle de shoot est prévue à l'automne. Il faut encore que le Conseil de Paris autorise un permis de construire, ce qui ne pourra pas être fait avant celui du mois de juillet et donc un démarrage des travaux à l'été. Au total, la surface de l'installation devrait être de 200 m2 environ.